Aforismos

Aphorisme 11. Je

Aujourd’hui l’évidence ne peut plus nous échapper : « je » n’est rien face à l’urgence du monde. Je est une fiction qu’on se raconte, parce que nous avons été trop habitués à considérer d’abord ce qui faisait notre particularité, narcissisme outrancier, plutôt que de considérer ce qui nous unit aux autres, ce qui nous fond, nous rend chiffres comptés sur la liste des morts et des vivants. Alors je ne peux plus parler en mon nom. Je ne peux plus parler au nom de mes goûts, de mes inclinaisons, de mes références. Je ne peux plus parler au nom de faux groupes d’appartenance, d’un lecteur idéal qui se reconnaîtrait. Je suis contrainte de parler au nom de tous dans la limite d’un je imparfait, inapte à appréhender tout en même temps, dans la limite de ce que je suis et qui n’est finalement pas grand-chose.

*Photo: Wynn Richards, Model and mirrors, 1925

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